Magazine: Bordeaux Habitat
N°: Printemps Eté 2011
Pages 76 à 86
Auteur: Charles Vincent
Photographe: Sylvie Curty
La Maison M49 est l’une de nos premières commandes. La maîtrise d’ouvrage nous a donné carte blanche pour transformer le hangar en une maison de vie confortable et lumineuse, ce qui est un véritable défi compte tenu de la situation enclavée du hangar.
La phase d’étude a été longue car il a fallu acquérir des connaissances spécifiques et techniques et rencontrer les entreprises partenaires pour la mise en œuvre du projet.
Seuls les oiseaux savent que ce loft a fait son nid au creux d’un hangar séculaire, retiré du monde, vierge de tout vis-à-vis. Uniques ouvertures sur l’extérieur, les patios invitent le soleil à inonder les enduits blancs et à réchauffer le bois des planchers, complice de la lumière azurée qui flotte sur la piscine à 33 °. On ne se sent jamais si cocooné qu’entre quatre murs bien à soi, avec pour seul horizon le ciel par-dessus le toit, si bleu…
«C’était un très, très ancien hangar de stockage de marchandises, probablement lié à la proximité des quais…», raconte Beba. Des quatre murs aveugles de ce bâtiment industriel enchâssé dans le tissu urbain et à demi-enterré, les architectes Beba Michard et Charles Sarthou (agence S+M à Bordeaux) ont fait l’enveloppe d’un loft pour le moins inattendu : son existence est insoupçonnable depuis l’extérieur, si ce n’est du haut du ciel…
Avoir réussi à faire entrer la lumière du jour dans toutes les pièces, sur deux niveaux et sans aucune fenêtre (le hangar étant entièrement noyé dans les immeubles mitoyens) n’est pas la moindre prouesse de ce projet hors normes. Afin de capter et diffuser les rayons du soleil, (les architectes) ont conçu un intérieur qui fait la part belle aux puits de lumière, aux mezzanines, aux jardins intérieurs et aux miroirs. Suprême astuce, le long de la piscine creusée entre les deux patios, une meurtrière horizontale devient source de lumière supplémentaire. Pour joindre l’agréable à l’utile, la piscine chauffée (à 33°), isolable par deux baies ventilées en permanence au moyen d’air pulsé (pour éviter la condensation), est équipée de diffuseurs de lumière bleu outremer pour des séances quotidiennes de chromothérapie zen…
(…) La bonne surprise du chantier aura été la découverte de grandes portions de mur en pierre de taille. Noble matière que l’on a bien sûr mise en valeur pour faire contrepoint aux matériaux industriels et contemporains omniprésents : le béton banché, l’aluminium noir des huisseries et des rampes de spots, l’acier galvanisé des glissières de portes et l’enduit de ragréage Ultratop du sol, uniformément blanc pour accrocher la lumière.
En toiture, (les architectes) ont opté pour une couverture en zinc sur ossature bois, zinc qui se prolonge en bardage tel une peau sur la partie haute des patios…
(…) Le volume principal, longé par la piscine en cage et les deux patios, est décloisonné sur toute sa longueur ; il se compose de deux grands espaces – salle à manger et salon séparés par un bloc central habillé de zebrano qui abrite cuisine, buanderie, rangements et câblage technique.
La façade du grand bar, recouverte d’un placage « miroir », joue les réfléchisseurs de lumière, entre une grande toile abstraite et la statue polychrome d’un chanteur togolais réalisée avec de la tôle récupérée sur des carcasses de voitures.
Côté salon, toujours cette opposition entre pierre blonde apparente et éléments design. (…) En haut d’un escalier de béton brut, la partie nuit du loft. D’un côté, la chambre parentale inondée de lumière, qui donne sur le patio à l’érable (…); de l’autre, deux chambres d’enfant ouvertes sur le toit-terrasse.
Cette terrasse suspendue à ciel ouvert, au plancher d’acacia, végétalisée et équipée de mobilier de jardin noir, adopte une solution originale pour éviter les garde-corps disgracieux : un hamac rouge géant fait office de filet de protection tendu au-dessus du patio aux palmiers. Dans un coin, une échelle permet de grimper sur le toit (sécurisé par les hauts murs mitoyens de part et d’autre) et de se laisser aller à un bain de soleil à même le zinc chaud… Avec les oiseaux pour seuls témoins.» – Charles Vincent pour Bordeaux Habitat 2011.